
De moins en moins stigmatisees, les applications de dating Tinder, Grindr et autres Happn se paraissent imposees comme mode de «socialisation amoureuse legitime», comme disent nos sociologues
Avec encore outre produits de niche, comme Once, qui propose un rencard avec jour, ou Sapio, pour usagers «physiquement et intellectuellement attirants». Derniere appli en date, Bumble, de l’anglais «bafouiller». Venue des Etats-Unis en 2015, ou elle totalisait 7 millions d’utilisateurs en juillet, Bumble reste arrivee en France au mois de novembre. Appli de geolocalisation, elle propose, comme Tinder a certains ameliorations pres – comme une interface verticale -, de faire glisser a droite ou a gauche sur l’ecran le profil de pretendants posant avec chien, enfant ou plante degoi»tee. Et promet de lutter contre le fleau evoque du «silence des femmes». Sur Bumble, c’est a ces dernieres d’engager J’ai conversation. Et jamais question de trop trainer, la connexion avec l’etre convoite disparait au bout de vingt-quatre heures. L’entreprise a aussi annonce le lancement de BumbleVID, qui ajoutera, comme Snapchat, de courtes videos ephemeres.
Nombre des applis et sites de rencontres, comme OKCupid ou encore Match.com, ont en commun des createurs masculins. L’argument de vente feministe de Bumble est d’avoir ete creee via une femme et de s’adresser en priorite aux utilisatrices. Sa fondatrice, Whitney Wolfe, 26 ans, a integre ce mois-ci la power list des «trente de moins de 30 annees» du magazine Forbes. Elle en connait 1 rayon, puisqu’elle a cofonde Tinder, entreprise qu’elle a quittee avant d’engager 1 proces Afin de harcelement sexuel contre le ancien patron. Son fonds de commerce est le suivant : concernant Bumble, c’est donc a toutes les jeunes femmes d’entamer la parole (et Afin de nos gens ainsi sexe, tous va s’adresser a l’autre). Cela s’agirait ainsi de renverser un ratio supposement inegalitaire en mettant moins de pression i propos des hommes pour faire le premier jamais ainsi que restaurer ainsi un equilibre dans la drague. Un tantinet comme Adopteunmec.com ? Le site se plait surtout a montrer des femmes remplir leur chariot. Merci les stereotypes sexistes…
Photo de quequette
Les femmes. L’enjeu est de taille dans le marche des applis : «Elles paraissent le nerf d’une guerre, il faut en avoir suffisamment pour que les mecs payent dans la partie premium, puisque c’est le modele economique choisi», rappelle Thibaut Thomas, consultant en virtuel et professionnel des start-up. «Bumble a retourne en compte les demandes d’utilisatrices», ajoute-t-il. Un effort aussi vertueux que strategique pour contrecarrer l’envoi d’odieuses dick pics que l’on ne saurait voir. Car la photo mal cadree de quequette en erection souvent non sollicitee fait mauvais genre.
Surtout, contrairement a ses concurrents, Bumble tient compte d’une donnee cruciale : le harcelement en ligne. Un sondage du Pew Research Center rapportait deja en 2013 que 42 % des utilisatrices d’applis et de sites de rencontres avaient ete contactees «d’une maniere qui les [avait] fera se sentir harcelees ou mal a l’aise», contre juste 17 % des utilisateurs masculins. Depuis, des militantes contre le cyberharcelement ont cree le compte Instagram «Bye Felipe», qui expose aux yeux du public nos soupirants quelque peu trop assidus. Sur ses 7 millions d’utilisateurs, Bumble n’aurait Afin de l’instant recu «que» 800 plaintes en deux ans, soit moins que la moyenne.
Goguette
Alors, ca «matche» ou nullement ? Aux Etats-Unis, selon l’entreprise, 68 % des matchs ont entraine une discussion. En France, complexe a penser pour l’heure. Notre agence refuse de apporter des chiffres. Mais Bumble a Afin de l’instant attire des «early adopters», une population de curieux connectes. En installant l’appli et en faisant un tour dans son smartphone, on croise deux nouvelles tetes, des confreres, un ou deux ex et des potes en goguette.
Line, 30 annees, n’a tenu que trois journees sur Bumble, appli reperee au cours d’une soiree arrosee. Elle est vite venue a bout de tous les profils de sa region. «D’abord, tu as vingt matchs. Le lendemain, tu discutes avec une ou deux gens, nullement les dix-huit autres. Apres vingt-quatre heures de peremption, il n’y a plus de nouveau profil.» Elle pointe le paradoxe : «Sur Tinder, on s’habitue a ne point avoir forcement de reponse : sur Bumble, si t’as nullement trouve la belle vanne, tout s’eteint. Me concernant, t’as 2 fois moins de chances que la conversation demarre.» Et Afin de cause, decrypte Thibaut Thomas : «On a forcement environ connexions si on est une soeur. Dans une perspective de maximisation capitaliste, on se trouve a Realiser comme bon nombre de garcons, c’est-a-dire a selectionner de nombreux meufs Afin de voir si ca mord et augmenter le nombre de connexions. On fait le tri a posteriori.»
Attrait d’une nouveaute oblige, Bumble attire les nostalgiques tout d’un age d’or des applis, certainement fantasme, qui veut que «c’etait plus avant» (sauf, peut-on objecter, que l’on doit i chaque fois un certain nombre d’utilisateurs inscrits pour que Le concept fonctionne). «Sur Tinder, on se parlait plus au debut, les mecs etaient mieux, ainsi, puis on semble s’i?tre lasses», se souvient Helena, 29 ans, inscrite dans Bumble depuis decembre. Elle se connecte dans l’appli sans conviction, quand elle s’ennuie. Surtout, elle ne voit jamais en quoi celle-ci reste feministe. Un pietre modi?le d’empowertising, Effectivement : lorsqu’on est en mesure de supposer qu’un tel principe attire a priori des utilisateurs progressistes, l’article d’appel fleure bon l’arnaque et est facilement contournable pour ces dames tout d’un bref «kikou» balance a l’arrache. Surtout si on decouvre que Bumble reste detenue en majorite avec Badoo, 1 vieil acteur du marche du dating, fonde par l’entrepreneur russe Andrey Andreev…